Le démembrement de propriété, qui consiste à séparer l’usufruit de la nue-propriété d’un bien, permet notamment de transmettre son patrimoine par anticipation, d’aider un proche ou encore d’investir dans l’immobilier tout en optimisant sa fiscalité.
Le droit d’user d’un bien ainsi que d’en percevoir les revenus («usus» et «fructus») et le droit de disposer d’un bien («abusus») sont réunis entre les mains d’un même titulaire alors réputé en détenir la pleine propriété.
Ces notions sont réparties entre plusieurs personnes (un usufruitier et un nu-propriétaire), on parle de démembrement.
Le démembrement est un outil de stratégie patrimonial et fiscal qui peut utilement être mis en œuvre dans trois situations : pour organiser la transmission de son patrimoine, pour gratifier un proche ou pour acquérir un bien immobilier à moindre coût.
Anticiper la transmission de son patrimoine
Pour limiter le montant des droits de succession que vos enfants devront payer à votre décès, vous avez tout intérêt à anticiper la transmission de votre patrimoine en effectuant des donations de votre vivant ; si vous ne souhaitez pas vous déposséder totalement (en donnant la pleine propriété d’un bien), vous pouvez penser au démembrement.
En effet, il vous est loisible de donner seulement la nue-propriété d’un bien à un enfant, tout en vous en réservant l’usufruit viager. En tant qu’usufruitier, vous pouvez continuer à l’occuper s’il est vide ou à encaisser les loyers s’il est donné en location ; en contrepartie le devoir de l’entretenir et de régler les charges annuelles.
Le nu-propriétaire (votre enfant) a l’obligation d’effectuer les grosses réparations.
Enfin, la vente du bien nécessite l’accord de l’usufruitier et du nu-propriétaire.
À l’échéance de l’usufruit (votre décès), votre enfant devient plein-propriétaire du bien «gratuitement», sans passer par la case impôts. Le démembrement peut aussi porter sur un portefeuille titres (vous continuez à percevoir les dividendes et intérêts) mais il faut savoir que cela complique sa gestion.
L’intérêt de l’opération est avant tout fiscal, car donner la nue-propriété d’un bien plutôt que la pleine propriété permet de réduire le montant des droits de donation dus en principe par le bénéficiaire. En effet, seule la nue-propriété étant transmise, le fisc considère qu’elle a une valeur moindre que celle de la pleine propriété.
Cette valeur (qui sert de base de calcul des droits de donation) correspond à un pourcentage de la valeur de la pleine propriété qui dépend de l’âge de l’usufruitier (vous, le donateur) au jour de la donation. Elle augmente avec l’âge de l’usufruitier à un rythme de 10 points de pourcentage tous les 10 ans.
Par exemple, si l’usufruitier a 61 ans, la nue-propriété vaut 60 % et s’il a 71 ans, elle grimpe à 70 %.
En tant qu’usufruitier, vous devez acquitter l’impôt sur le revenu au titre des revenus éventuellement générés par le bien et le déclarer pour sa valeur en pleine propriété si vous êtes redevable de l’IFI (sans possibilité d’abattement au titre du démembrement).
Aider un enfant financièrement
À l’inverse, vous pouvez choisir de transmettre temporairement l’usufruit d’un bien, tout en conservant la nue-propriété ; une solution à envisager si vous souhaitez soutenir un enfant étudiant ne faisant plus partie de votre foyer fiscal.
Au lieu de verser une pension alimentaire (dont la déduction est plafonnée), vous pouvez lui donner l’usufruit d’un bien immobilier locatif ou d’un portefeuille-titres pour une période déterminée par exemple pour la durée de ses études. Pendant ce laps de temps, il peut subvenir à ses besoins grâce aux revenus perçus.
À l’arrivée du terme fixé, vous récupérez automatiquement la pleine propriété de votre bien sans frais ni impôt.
Notez que la donation temporaire d’usufruit peut aussi être consentie à un proche dans le besoin ou à un organisme sans but lucratif.
Sur le plan fiscal, lorsque l’usufruit est constitué pour une durée fixe, la valeur de l’usufruit servant de base de calcul aux droits de donation est de 23 % de la valeur de la pleine propriété du bien par période de 10 ans, sans fractionnement.
Mieux, comme vous ne percevez plus de revenus, cette opération contribue à réduire votre impôt sur le revenu ; votre enfant doit bien entendu déclarer ces revenus qui sont peu, voire pas, imposés.
Cerise sur le gâteau, en tant que nu-propriétaire, le bien sort de votre patrimoine imposable à l’IFI pendant la durée de l’usufruit, allégeant d’autant la facture à payer.
Corrélativement, il doit être déclaré par votre enfant pour sa valeur en pleine propriété, mais il échappe en pratique à toute imposition car son patrimoine est bien souvent en-dessous du seuil fatidique de 1.3M d’euros.
Soyez vigilant, car ce montage qui permet de réaliser d’importantes économies d’impôt est susceptible d’être remis en cause par le fisc sous le chef de l’abus de droit.
L’opération doit se justifier par des raisons patrimoniales et non principalement fiscales.
Investir dans la pierre à moindre coût
Moins connu encore l’investissement immobilier en nue-propriété est une solution performante pour devenir propriétaire d’un bien à prix réduit. Il consiste à acquérir la nue-propriété d’un bien immobilier dont l’usufruit est simultanément acquis par un bailleur social ou institutionnel qui gère la location et supporte toutes les charges le temps du démembrement.
Une stratégie particulièrement intéressante sur le plan financier et fiscal.
En tant que nu-propriétaire, vous profitez d’une décote à l’achat d’environ 40 % par rapport au prix du marché et supportez de ce fait moins de droits de mutation. Pendant la durée du démembrement (entre 15 et 20 ans), le bien n’est pas à inscrire dans votre déclaration d’IFI et vous n’avez pas de loyers à déclarer.
À l’échéance du contrat, vous récupérez la pleine propriété du bien sans frais ni impôts et pouvez en disposer comme vous l’entendez. C’est un investissement à long terme qui suppose que vous n’ayez pas besoin immédiatement des revenus de la location.
Il doit être étudié avec soin avec l’aide d’un professionnel, afin de générer une rentabilité satisfaisante.