WeWork France loue 15 immeubles à Paris. Quel impact la faillite du groupe aux Etats-Unis et au Canada va-t-elle avoir pour leurs propriétaires?
Au premier rang desquels figurent plusieurs SCPI, des foncières, et des fonds immobiliers allemands.
Retour sur le premier immeuble WeWork à Paris
Un dénominateur commun : localisation et décoration
Le dénominateur commun de chaque immeuble WeWork sera la localisation et la décoration intérieure : le schéma est identique pour tous les sites, avec bien sûr des variations d’ambiance.
WeWork a également ouvert, en 2018, le plus grand lieu de coworking d’Europe, au 198, avenue de France, dans le 13e arrondissement. Celui-ci n’a rien à voir avec le premier site de la rue La Fayette, en termes de cachet ; l’immeuble est moderne, ses 8 étages déploient 20 000 m², avec espace détente et une terrasse, au dernier étage, offrant une vue sur tout Paris.
Chaque utilisateur avait l’impression d’évoluer dans un univers professionnel différent de ceux qu’ils avaient connus jusqu’à présent, mais les clients étaient satisfaits : le pari, réussi.
Comment WeWork a-t-il séduit les grands investisseurs pour louer leurs locaux ?
Au milieu des années 2000, la licorne américaine surfait sur une image exceptionnelle.
Une marque mondiale construite en seulement quelques années, comme l’ont fait les Airbnb, Uber, Netflix, Tesla, etc. Le coworking était tendance.
Et la future introduction en Bourse de WeWork aurait dû avoisiner les 50 milliards de dollars.
À la surprise des professionnels, toutes les métropoles mondiales allaient avoir ses immeubles WeWork. Il était devenu le plus grand utilisateur à Manhattan – devant le légendaire JP Morgan – en louant plus de 500 000 m².
Tout le monde voyait en WeWork l’acteur qui allait disrupter le monde du travail ; il fallait faire partie de l’histoire.
Le phénomène WeWork était en marche.
Dans cet environnement euphorique, de nombreux investisseurs baissaient leur niveau de vigilance. Nous étions dans une économie immobilière en pleine croissance et la Banque Centrale Européenne inondait les banques de liquidités…
Quand les investisseurs oublient les fondamentaux…
Dans ce contexte, certains investisseurs oubliaient quelques fondamentaux : empruntant à 1%, le loyer de l’argent ne coûtait rien… L’évaluation des risques d’insolvabilité du preneur n’était donc plus une priorité.
Les avocats américains de WeWork négociaient fermement les baux commerciaux ; les clauses des contrats étaient très protectrices pour la structure new-yorkaise, qui se réservait ainsi la possibilité de ne pas louer l’immeuble au moindre retard dans la réception des travaux et ce quelle qu’en soit la cause.
Comme WeWork n’était pas coté sur un marché financier, et n’avait aucune existence en France, elle ne disposait d’aucun bilan comptable.
Dans une autre configuration, les investisseurs auraient demandé, au minimum, une garantie à première demande (GPD) avant de s’engager contractuellement ; il n’en était rien. Les équipes de WeWork donnaient uniquement une caution de la société mère, puisque WeWork créait une structure juridique pour chaque immeuble…
La stratégie d’implantation de WeWork France
En s’installant en France, WeWork devait séduire les bailleurs pour louer ses immeubles.
La technique était simple : l’entreprise s’engageait sur des baux ferme de 12 ans. C’était d’autant plus audacieux que les investisseurs exigeaient ce type de baux exclusivement pour des immeubles neufs ou rénovés, de prestige, localisés dans le Triangle d’Or,la pratique était plutôt des baux de 9 ans ferme, pour les immeubles prime.
En contrepartie de cette durée, WeWork obtenait 24 mois de franchise de loyer.
Les mesures d’accompagnement étaient classiques et satisfaisaient les deux parties ; la durée d’engagement était un argument commercial fort. Sachant en outre que, pour s’imposer face à d’autres potentiels utilisateurs, WeWork acceptait de payer plus cher…
Une stratégie de conquête payante, qui a su en tout cas séduire des gestionnaires de SCPI, des foncières, ou des fonds allemands…
La faillite américaine de WeWork, une première étape…
Un peu plus de six ans après la première ouverture à Paris, WeWork a chuté.
Les acteurs immobiliers et financiers s’y attendaient, ces derniers mois, mais la déception a été immense. En se plaçant sous le chapitre 11 de la loi sur les faillites aux États-Unis et au Canada, le 6 novembre 2023, WeWork a clôturé les dernières pages de son roman.
Les jours suivants, l’entreprise quittait certains immeubles situés dans les métropoles américaines et canadiennes.
Au même moment, à Paris, les professionnels s’interrogeaient : WeWork France allait-t-il faire faillite ? Car la procédure américaine et canadienne ne concernait pas les filiales étrangères et, au 13 décembre 2023, WeWork France n’était, ni en redressement judiciaire, ni en situation de faillite.
Quid des immeubles WeWork France ?
La stratégie de WeWork France s’est toujours concentrée sur d’excellentes localisations parisiennes, Paris étant une métropole mondiale, l’entreprise de coworking ne pouvait pas y être absente ; encore moins à une belle adresse.
Début décembre 2023, WeWork occupe toujours 15 immeubles, dont 14 sont à Paris, et un à Puteaux, dans le quartier d’affaires de La Défense.
Ce sont des immeubles de belle facture, haussmanniens, rénovés, ou modernes.
Compte tenu du contexte de Marché, ces immeubles WeWork resteront-ils longtemps vacants, si l’entité les quittait du jour au lendemain ?
Qui sont les propriétaires des immeubles loués par WeWork ?
Les 15 immeubles loués par WeWork :
• Sont détenus par dix SCPI, deux foncières cotées, trois assureurs et deux fonds allemands ;
• Cumulent une surface totale de 131 830 m² (9 420 m² par immeuble en moyenne) ;
• Leur valeur vénale est estimée à 1,3 Md€ ;
• Dix d’entre eux sont au cœur du Paris QCA :
o Un dans le 3e arrondissement ;o Quatre dans le 8e arrondissement ;o Cinq dans le 9e arrondissement ;• Un dans le 17e arrondissement (mais à 10 minutes du Triangle d’or) ;• Trois à l’est de la capitale (12e, 13e et 19e arrondissement) ;• Un seul est situé dans le quartier d’affaires de La Défense.
Que vont devenir les immeubles WeWork à Paris ?
Tous les immeubles de bureaux n’évoluent pas de la même manière, la localisation et le type de construction font la différence.
Un ensemble tertiaire construit il y a 20 ans sera-t-il encore là dans un siècle ? Probablement pas ; le bâtiment sera sans doute démoli et reconstruit plusieurs fois.
À l’opposé, les immeubles haussmanniens traversent le temps : le cachet de cette architecture n’est plus à prouver ! Les immeubles en pierres sont aujourd’hui reconnus dans le monde entier pour leur esthétique et leur intemporalité.
Par leur localisation sur les artères principales, et leur configuration spécifique, ces immeubles sont toujours recherchés.
Les immeubles haussmanniens représentent aujourd’hui 60 % des immeubles parisiens. Ils trouveront toujours des locataires et des investisseurs, même si les valeurs locatives se corrigent.
Un actif immobilier bien localisé se consolide toujours, même en période de crise économique, financière ou immobilière.
L’immeuble haussmannien est un actif anti-crise
Un immeuble haussmannien peut avoir plusieurs destinations ; au départ, ces immeubles étaient destinés à l’immobilier résidentiel.
Afin de satisfaire l’économie tertiaire, ils sont devenus des immeubles de bureaux, principalement dans les 8e et 9e arrondissements.
Ce sont également des immeubles réversibles. Ainsi, ils redeviennent aujourd’hui des appartements haut-de-gamme dans certains quartiers bourgeois.
Le taux de vacance de l’immobilier de bureaux à Paris est aujourd’hui de 2 %, contre 15 % dans le quartier d’affaires de La Défense.
Pourquoi une telle différence ? Il y a une prime à la centralité des immeubles tertiaires depuis la fin de la crise sanitaire ; l’on quitte la première couronne pour s’installer à Paris.
Le coût annuel immobilier sera même moins élevé en prenant moins de superficie -par exemple, 30%-, grâce à la mise en place de deux jours de télétravail par semaine.
Et si WeWork quittait ses immeubles parisiens ?
Si WeWork devait abandonner les sites parisiens, plusieurs possibilités pourraient se présenter.
Tout d’abord, il est envisageable que les grands utilisateurs prennent la relève.
Autre alternative, ces immeubles pourront être reloués à d’autres coworkers, à condition que les investisseurs acceptent ce type d’utilisateurs. En effet, ils risquent d’être méfiants même si ces acteurs n’ont pas le même modèle que WeWork ; aujourd’hui, plus de 3 000 sites de coworking existent à Paris.
Malgré les difficultés de WeWork, le marché du coworking est dynamique. Selon une étude de Welkin & Meraki, le marché mondial pourrait atteindre 120 Md$ en 2025, contre 30 milliards en 2018. Les immeubles pourraient être loués à des multi-locataires. Avec un taux de vacance de 2 %, les immeubles WeWork devraient trouver preneurs assez rapidement.
Pas d’inquiétude sur leur relocation
En cette fin d’année 2023, la demande pour la location d’immeubles de bureaux dans le quartier central des affaires reste supérieure à l’Offre. Il n’y a donc pas d’inquiétude à avoir concernant l’avenir des immeubles WeWork à Paris.
Quel que soit l’environnement économique, financier et immobilier, un immeuble haussmannien bien localisé trouve preneur, à l’achat comme à la location, même en situation de crise.
Si ces immeubles étaient des obligations, ils recevraient la note équivalente à celle d’une dette souveraine de Standard & Poor’s et de Moody’s.
En cas de départ de WeWork, les investisseurs auront donc le choix. Accepteront-ils de nouveaux coworkers ? Opteront-ils pour une entreprise utilisatrice ? Conserveront-ils l’actif ? Ou le revendront-ils une fois loué ? La balle reste plus que jamais dans le camp des bailleurs.