Alors que la démondialisation, la décarbonation et les changements démographiques conduisent au maintien de l’inflation et des taux d’intérêt à un niveau élevé pendant plus longtemps, force est de constater que les rendements du Private Equity à l’échelle mondiale ont fait preuve de robustesse dans différents contextes macroéconomiques et géopolitiques.
Les investisseurs peuvent donc rester sereins.
Malgré une tendance à la baisse de l’inflation, semble que les mutations structurelles associées à la démondialisation, la décarbonation et les changements démographiques vont pousser au maintien de l’inflation et des taux d’intérêt à un niveau élevé pour une durée prolongée.
Face au défi supplémentaire que représentent les conflits géopolitiques, de nombreux investisseurs reconsidèrent leur position en Private Equity.
Cependant, nous observons que depuis 2008, chaque année a été marquée par une crise susceptible d’affecter les investisseurs en Private Equity.
Pourtant, à l’échelle internationale, ces derniers enregistrent des rendements à deux chiffres chaque année durant cette période, indépendamment du contexte économique et de la direction des marchés, y compris en période de récession.
Les performances de ces dernières années sont moins probantes car les fonds n’ont pas encore atteint leur maturité. Cependant, entre 2008 et 2019, les investisseurs ont obtenu un taux de rendement interne moyen de 16 % par an et ont récupéré en moyenne 1,8 fois leur capital investi, surpassant largement la croissance du PIB.
L’une des raisons pour lesquelles la performance a si bien résisté est que les fonds de Private Equity bénéficient d’une « diversification dans le temps ».
Le capital est déployé progressivement sur plusieurs années, et non pas en une seule fois. De ce fait, la sensibilité aux événements du marché est moindre et l’allocation au Private Equity ne repose pas sur le concept de « market timing ».
De même, les investisseurs en Private Equity, en tant que détenteurs d’actifs à long terme, ne sont pas contraints de vendre lors de conditions de marché défavorables à l’optimisation des rendements.
Les périodes de récession, généralement perçues par les investisseurs comme peu propices à l’investissement en Private Equity, se sont avérées plutôt bénéfiques pour ce segment.
Durant les périodes difficiles, les fonds peuvent en effet acquérir des actifs décotés en raison du contexte de récession, qui sont ensuite cédés durant la phase de reprise lorsque les valorisations augmentent.
Il existe de nombreux moteurs de création de valeur qui vont bien au-delà de la croissance économique ou sectorielle au niveau national, comme les fusions et acquisitions/consolidations, l’innovation technique, la professionnalisation ou les modèles économiques axés sur l’export.
Ces facteurs peuvent créer de la valeur même dans un contexte macroéconomique difficile.
Cependant, l’effet porteur de la hausse du levier et de la baisse des coûts d’emprunt commence à s’atténuer.
Un facteur bénéfique à cette période a été la dette abondante et peu chère. Ceci a favorisé les performances des transactions avec effet de levier, encore plus dans une période d’augmentation des multiples de valorisation.
Compte tenu des pressions inflationnistes de long terme créées par le 3D Reset, l’ère des taux d’intérêt extrêmement bas est révolue.
La dette coûtera beaucoup plus cher et les niveaux de levier seront plus faibles car les coûts d’intérêt plus élevés rendront ce type de financement moins attractif.
En revanche, du fait de la baisse des valorisations, l’acquisition d’une entreprise coûte aujourd’hui moins cher qu’il y a 12 mois.
Et la décote nécessaire pour compenser un niveau de levier plus faible, à rendement constant, est moins importante qu’on pourrait le croire. Une baisse de prix de 12.50 % pourrait suffire à compenser une réduction du financement par la dette de 65 % à 50 % sans toucher les rendements, toutes choses égales par ailleurs.
Toutefois, les types de stratégies qui semblent vouées à réussir pourraient désormais sensiblement différer de celles qui ont fait leurs preuves au cours de la dernière décennie.
Sachant que l’effet de levier et la hausse des multiples pourraient ne plus doper les rendements, les stratégies axées sur la croissance du chiffre d’affaires et l’amélioration des marges bénéficiaires pourraient se révéler payantes, notamment l’expansion des gammes de produits ou de l’empreinte géographique, et la professionnalisation de la gestion pour améliorer les marges.
Ce type de stratégie est plus facile à mettre en œuvre dans les petites et moyennes entreprises, souvent familiales. Dans les grandes entreprises, qui ont souvent fait l’objet de plusieurs cycles de financement par le biais du Private Equity ou qui ont un actionnariat institutionnel, il est beaucoup plus difficile de créer de la valeur de cette manière.
Les stratégies « buy and build » sont également bien positionnées pour générer des rendements solides car elles offrent des opportunités d’acheter des petites entreprises, de les faire croître, d’en améliorer la rentabilité, puis de les vendre avec une prime de valorisation équivalente à celle obtenue pour une grande entreprise.
Exemple concret :
Supposons que la valeur d’une entreprise augmente de 8 % par an. Si sa valeur initiale est de 100 millions €, elle atteindra 146.9 millions € au bout de cinq ans (pour les besoins de cette analyse, il n’est pas pertinent de savoir si cette croissance s’explique par une augmentation du chiffre d’affaires, des marges ou des multiples).
Nous supposons que la sortie de l’actif se fait à cette valeur.
Si l’achat est financé à 65 % par de la dette, cela couvre 65 millions €, l’investisseur en capital apportant les 35 millions manquants.
Au bout de cinq ans, la participation de l’investisseur vaut le prix de vente, net de l’encours de la dette qui, pour simplifier, est toujours de 65 millions €. Il encaisse donc 81.93 millions €, soit un rendement annualisé de 18.50 % sur son investissement initial de 35 millions d’euros.
Mais que se passerait-il si, dans le nouvel environnement actuel, il n’était possible d’obtenir que 60 % de financement par emprunt, ou 55 %, voire moins ?
Nous supposons que la valeur de vente reste la même, soit une valeur projetée de 146.9 millions € dans cinq ans. Si, par exemple, seul un financement par emprunt de 50 % était possible, le prix d’achat devrait baisser de 12 % pour que les investisseurs puissent toujours obtenir un rendement de 18.50 % ; ce niveau de décote pourrait ainsi être moins significatif qu’anticipé par un grand nombre.
Quelle est la réduction du prix d’entrée nécessaire pour compenser la baisse du levier et obtenir le même rendement ?
Et si l’inflation restait durablement plus élevée ?
Le vieillissement de la population, le ralentissement de la mondialisation et la transition vers des sources d’énergie plus coûteuses sont autant de facteurs qui, combinés, devraient maintenir l’inflation à un niveau structurellement plus élevé.
Il s’agit d’un problème mondial qui affecte toutes les classes d’actifs, tant les actions que les obligations, les marchés cotés, comme les marchés privés ; le Private Equity n’est pas épargné. Outre son impact sur l’endettement, comme décrit ci-dessus, l’inflation pèsera sur la rentabilité de nombreuses entreprises car leur base de coûts augmentera.
Cependant, toutes les entreprises ne seront pas affectées de la même manière.
Celles en mesure de répercuter la hausse des coûts sur leurs prix résisteront mieux. En revanche, celles moins bien positionnées sur le marché ou dont les produits et services sont plus facilement substituables éprouveront des difficultés.
Au cours des années à venir, ce sont ces critères qui distingueront les entreprises gagnantes tout comme les investisseurs en Private Equity performants.
Les investisseurs en Private Equity n’ont pas à craindre les conséquences d’une inflation structurellement plus élevée et d’une intensification des conflits géopolitiques.
Bien que l’économie mondiale soit continuellement confrontée à des défis, les rendements restent solides, quelles que soient les circonstances. Certes, l’effet porteur des taux d’intérêt bon marché s’estompe, mais la possibilité d’acheter des entreprises à un prix inférieur compensera largement cette tendance.
Les fonds axés sur les petites et moyennes entreprises semblent ainsi particulièrement bien positionnés pour affronter la période à venir.