En 2025, l’action Oracle (ORCL) a connu l’une des plus fortes corrections de son histoire récente. Symbole de l’enthousiasme puis de la désillusion des marchés financiers face à l’intelligence artificielle, le géant américain du logiciel et du cloud cristallise aujourd’hui les interrogations sur la rentabilité réelle de l’IA, entre investissements massifs, endettement élevé et attentes de plus en plus exigeantes des investisseurs.
Une année noire pour l’action Oracle
New York, décembre 2025. Oracle, longtemps perçue comme l’un des grands gagnants de la vague de l’intelligence artificielle, a vu son titre s’effondrer au fil des mois, effaçant en quelques trimestres une grande partie des gains accumulés lors de l’euphorie IA.
Après avoir brièvement atteint des sommets historiques, portés par des annonces de partenariats stratégiques et de méga-contrats liés aux infrastructures IA, le titre a chuté de près de 40 % depuis son pic, entraînant la disparition de centaines de milliards de dollars de capitalisation boursière.
Cette correction brutale a marqué un tournant, non seulement pour Oracle, mais aussi pour l’ensemble du secteur technologique exposé à l’IA, en révélant les limites du narratif de croissance rapide qui avait dominé les marchés.
De l’euphorie à la désillusion : ce qui a fait basculer le titre
Pendant plusieurs années, Oracle a réussi à se repositionner comme un acteur clé du cloud et des infrastructures pour l’IA, dépassant son image historique d’éditeur de bases de données.
En septembre 2025, l’optimisme était à son comble : la capitalisation du groupe avait frôlé les 1 000 milliards de dollars, propulsant son cofondateur Larry Ellison au sommet des classements de fortunes mondiales.
Mais plusieurs signaux négatifs ont rapidement inversé la tendance :
- Résultats en deçà des attentes : malgré une croissance solide du chiffre d’affaires (+14 % sur un an), les performances du segment cloud-infrastructure, cœur de la stratégie IA d’Oracle, ont déçu les analystes, qui anticipaient une accélération plus marquée ;
- Explosion des dépenses d’investissement : Oracle a annoncé un capex record, estimé à près de 50 milliards de dollars pour 2026, principalement consacré aux centres de données dédiés à l’IA. Un niveau inédit pour une entreprise hors hyperscalers comme Amazon ou Microsoft ;
- Endettement croissant : pour financer cette expansion, le groupe a fortement accru sa dette, désormais supérieure à 100 milliards de dollars, alimentant les inquiétudes sur la soutenabilité financière du modèle ;
- Difficultés de financement : l’interruption d’un projet majeur de data center de 10 milliards de dollars avec Blue Owl Capital a renforcé les doutes sur la capacité d’Oracle à mener ses projets sans alourdir davantage son bilan ou diluer ses actionnaires.
Ces éléments combinés ont suffi à briser la confiance des marchés.
Un signal d’alerte pour l’ensemble du secteur IA
La chute d’Oracle dépasse le cadre d’une simple mauvaise performance boursière. Pour de nombreux investisseurs, elle agit comme un signal d’alerte sur la maturité réelle du marché de l’IA.
Premièrement, la rentabilité de l’IA s’avère plus lente que prévu. Les infrastructures nécessaires — GPU, centres de données, énergie — impliquent des investissements colossaux, tandis que les revenus mettent du temps à se matérialiser.
Tant que la narration restait optimiste, les marchés acceptaient ce décalage. Mais dès que les résultats ont montré un fossé entre dépenses et profits, le scepticisme s’est imposé.
Deuxièmement, la question de l’endettement devient centrale. Dans un contexte de taux encore élevés et de volatilité accrue, les modèles reposant sur une dette massive sont désormais jugés plus risqués.
Enfin, la correction d’Oracle alimente la crainte d’une « bulle IA », ou du moins d’une phase de rotation sectorielle. Les investisseurs semblent passer d’un achat automatique des valeurs IA à une sélection beaucoup plus rigoureuse, fondée sur la rentabilité effective plutôt que sur les promesses.
Des fondamentaux qui plaident encore en faveur d’Oracle
Malgré ce tableau sombre, tout n’est pas négatif pour Oracle. Plusieurs éléments suggèrent que l’histoire pourrait connaître un second acte plus favorable.
Le groupe dispose tout d’abord d’un carnet de commandes exceptionnellement élevé, avec des contrats pluriannuels signés avec des acteurs majeurs comme Meta, Nvidia ou OpenAI. Ces engagements garantissent une visibilité importante sur les revenus futurs, même si leur reconnaissance comptable est progressive.
Par ailleurs, Oracle occupe désormais une position stratégique dans l’écosystème cloud-IA, notamment grâce à ses solutions multi-cloud et à sa forte présence auprès des grandes entreprises, un segment où la demande en IA reste structurellement en croissance.
Enfin, certains analystes estiment que la sanction boursière est excessive. Ils soulignent la solidité des revenus récurrents du cloud et la taille du marché adressable. Des établissements comme Deutsche Bank ont évoqué une correction jugée trop punitive, ouvrant la voie à un éventuel rebond.
Une leçon pour les marchés de l’IA
La chute d’Oracle en 2025 illustre parfaitement la tension actuelle entre ambition technologique et discipline financière. Les marchés ne se contentent plus de promesses : ils exigent désormais des preuves concrètes de rentabilité.
Oracle est peut-être devenu, malgré lui, l’archétype de cette transition.
Mais si l’entreprise parvient à transformer son immense potentiel commercial en profits durables, elle pourrait ressortir renforcée de cette phase de turbulences — non plus comme un simple pari spéculatif sur l’IA, mais comme un acteur structurant du cloud et de l’intelligence artificielle à long terme.


