Les dispositifs d’épargne salariale et d’épargne retraite collective — comme le Plan d’Épargne Entreprise (PEE), le Plan d’Épargne Retraite Collectif (Percol), ou encore le Plan d’Épargne Retraite Obligatoire (Pero) — ont le vent en poupe. Selon les derniers chiffres de l’Association française de la gestion financière (AFG), les encours cumulés ont atteint un niveau record de 200 milliards d’euros en 2024, soit une hausse de 6,5 % sur un an.
Ce succès s’accompagne d’une hausse de l’adhésion des salariés : 12,8 millions d’entre eux détenaient au moins un produit d’épargne salariale l’an dernier, soit 501 000 de plus que l’année précédente.
Malgré cet engouement, ces dispositifs restent mal compris. En témoigne le rapport annuel du Médiateur de l’Autorité des marchés financiers (AMF), rendu public le 11 juin 2025, qui recense pas moins de 201 litiges liés à l’épargne salariale en 2024. Dans la majorité des cas, les contentieux surgissent au moment où les salariés tentent de débloquer leurs avoirs de manière anticipée.
Or, ces produits sont encadrés par des règles strictes : les sommes investies dans un PEE sont bloquées pendant cinq ans minimum, et celles d’un PER (Perco, Percol) jusqu’au départ à la retraite. Débloquer ces fonds avant terme nécessite donc de respecter certains critères bien précis. Voici cinq erreurs fréquentes à éviter pour éviter les mauvaises surprises.
Retraite et PEE : un seul retrait possible par motif
Beaucoup de futurs retraités souhaitent mobiliser les sommes placées sur leur PEE pour compléter leur pension ou financer des projets. C’est possible, mais sous conditions. En effet, le départ à la retraite constitue un motif légitime de déblocage anticipé… mais il n’est utilisable qu’une seule fois.
Le Médiateur de l’AMF souligne qu’un salarié qui fait valoir ses droits à la retraite peut demander à débloquer son épargne, mais s’il ne retire qu’une partie de ses fonds, il ne pourra plus utiliser ce même motif pour un second retrait.
Il devra alors attendre l’échéance du plan (5 ans) ou invoquer un autre motif de déblocage anticipé (mariage, naissance d’un troisième enfant, divorce, surendettement, etc.). D’où l’importance de bien planifier cette opération en amont.
Acquisition de la résidence principale : attention au bon justificatif
Autre motif fréquent de déblocage anticipé du PEE : l’achat d’une résidence principale. Mais ici encore, le diable se cache dans les détails. Deux types de justificatifs sont admis : la promesse de vente ou l’acte authentique de vente. La différence est de taille. Si vous présentez la promesse de vente, seules les sommes disponibles à cette date pourront être débloquées.
Les versements ultérieurs ne seront pas pris en compte. À l’inverse, si vous attendez l’acte de vente définitif, vous pourrez récupérer l’intégralité de vos droits… mais sans garantie que les fonds soient débloqués à temps pour finaliser l’achat. Il faut donc bien évaluer le moment le plus opportun pour effectuer cette demande.
Divorce ou séparation : une condition supplémentaire à remplir
Nombreux sont les salariés qui pensent pouvoir débloquer leur épargne salariale en cas de séparation ou de divorce. Or, la réalité est plus complexe. Comme le précise le Médiateur, la seule séparation ne suffit pas : il faut également prouver que la résidence principale d’au moins un enfant a été fixée chez le demandeur.
Cette condition est impérative et ne peut être validée que par décision judiciaire. Autrement dit, une séparation amiable, comme la dissolution d’un Pacs, ne permet pas, en soi, de débloquer les fonds. Les salariés doivent donc anticiper les démarches et vérifier qu’ils remplissent bien l’ensemble des critères avant de formuler leur demande.
Perco vs Percol : attention à la disparition du motif « catastrophe naturelle »
L’évolution législative peut également jouer des tours. Le passage du Perco au Percol, entériné par la loi Pacte de 2019, a entraîné la disparition d’un motif de déblocage anticipé pourtant utile : la remise en état de la résidence principale après une catastrophe naturelle.
Le Médiateur de l’AMF l’a confirmé à l’occasion d’un dossier traité en mars 2025. Ce motif, valable sous l’ancien Perco, n’est plus reconnu dans le Percol actuel, ce qui a généré incompréhensions et frustrations chez certains épargnants sinistrés. Un oubli qui, espère-t-on, pourrait être corrigé dans une future réforme.
Proches aidants et nouveaux motifs : des critères très restrictifs
Depuis le 7 juillet 2024, trois nouveaux cas de déblocage anticipé ont été ajoutés pour les titulaires d’un PEE, parmi lesquels figure le statut de proche aidant. Mais là encore, attention aux conditions. Seuls les aidants s’occupant d’une personne en situation d’invalidité supérieure à 80 % peuvent en bénéficier.
Des critères similaires s’appliquent pour les autres nouveaux motifs, comme l’achat d’un véhicule propre, qui suppose de respecter des normes précises (type de véhicule, justificatifs à fournir, etc.).
Une vigilance indispensable
Ces cinq exemples montrent à quel point les dispositifs d’épargne salariale et retraite sont encadrés. Mal maîtriser les règles, même involontairement, peut conduire à des refus de déblocage, voire à des pertes financières.
Avant toute demande, il est donc fortement recommandé de consulter les documents contractuels, de vérifier les conditions légales à jour… et de ne pas hésiter à solliciter un conseiller en gestion de patrimoine ou son service RH. Car si ces dispositifs sont conçus pour accompagner les salariés dans leurs projets de vie et leur retraite, ils exigent une bonne connaissance pour être pleinement efficaces.