Alors que les marchés financiers américains atteignent des sommets historiques, le marché immobilier résidentiel des États-Unis envoie des signaux alarmants. Plusieurs indicateurs rappellent les niveaux observés lors de la crise des subprimes (2007–2009) ou de l’explosion de la bulle Internet au début des années 2000.
Dans ce contexte, l’écart croissant entre économie réelle et valorisation boursière alimente les craintes d’un retournement brutal.
Un marché immobilier en perte de vitesse malgré la reprise apparente
En mai, les ventes de logements existants aux États-Unis ont affiché une légère hausse de +0,8 %. Pourtant, cette progression mensuelle masque une réalité plus sombre : en rythme annuel, l’activité est désormais comparable à celle observée en 2008, au plus fort de la crise des subprimes.
D’autres indicateurs accentuent cette inquiétude. Le nombre de mises en chantier est tombé à son niveau le plus bas depuis la pandémie de 2020, illustrant une offre structurellement dégradée. Mais c’est surtout l’indice des promesses de vente, tombé à 71,3 en mai, qui suscite l’alerte. Ce chiffre est inférieur aux niveaux atteints en 2008, 2010 et même en avril 2020, au pic de la crise sanitaire mondiale.
Le poids écrasant des taux hypothécaires
L’atonie du secteur s’explique largement par l’évolution de la politique monétaire. Depuis 2022, la Réserve fédérale américaine (Fed) a engagé un cycle de hausses de taux parmi les plus brutaux de ces 40 dernières années.
Conséquence directe : les taux hypothécaires à 30 ans s’établissent autour de 6,84 %, après avoir frôlé les 8 % en 2023. Ces niveaux, inédits depuis la bulle technologique, restreignent considérablement l’accès au crédit et freinent la mobilité résidentielle.
L’indice de refinancement hypothécaire s’enfonce en territoire historiquement bas, illustrant la difficulté des ménages à renégocier leurs prêts. Il évolue même en dessous des niveaux observés durant la crise des subprimes.
Une dégradation structurelle inquiétante
Outre les taux, plusieurs facteurs structurels accentuent les tensions :
- Déséquilibre persistant entre offre et demande ;
- Coûts de construction en hausse ;
- Raréfaction du foncier dans les zones à forte croissance ;
- Conditions de crédit durcies, en particulier pour les primo-accédants.
À cela s’ajoutent l’incertitude politique et la situation budgétaire tendue aux États-Unis, qui alimentent la pression sur les marchés obligataires, contribuant au maintien des taux longs à des niveaux élevés.
Pression politique sur la Fed
Sur le plan politique, le climat se tend autour de la Fed. Donald Trump, favori pour l’investiture républicaine de 2024, accuse Jerome Powell de « freiner artificiellement l’économie ». Il appelle à une baisse rapide des taux et va jusqu’à exiger le départ du président de la Fed.
Cette pression ajoute une couche d’incertitude à une banque centrale qui doit arbitrer entre maîtrise de l’inflation et stabilisation du marché immobilier.
Une déconnexion préoccupante entre Wall Street et l’économie réelle
Paradoxalement, les indices boursiers américains poursuivent leur ascension. Le S&P 500 et le Nasdaq se rapprochent de leurs records, portés par :
- L’enthousiasme autour de l’intelligence artificielle ;
- Les rachats d’actions massifs (buybacks) ;
- Une liquidité abondante, malgré la normalisation monétaire.
Mais cette euphorie boursière semble de plus en plus dissociée des fondamentaux économiques, notamment dans l’immobilier, historiquement considéré comme un baromètre avancé de la conjoncture.
Si la Fed poursuit sa politique restrictive, les tensions sur le marché résidentiel pourraient s’aggraver, avec un risque de correction brutale sur les marchés financiers.
Quelles conséquences pour la France et l’Europe ?
Bien que le marché immobilier américain soit distinct, une crise immobilière majeure aux États-Unis aurait des répercussions globales. Voici les principales conséquences possibles pour la France et l’Europe :
1. Risque de contagion financière
Une correction des actifs financiers américains pourrait déclencher une vague d’aversion au risque à l’échelle mondiale, affectant les marchés européens et provoquant un resserrement des conditions de crédit.
2. Effet de canal bancaire
Les banques européennes exposées aux marchés ou aux créances immobilières américaines pourraient subir des pertes importantes, affectant la distribution de crédit en zone euro.
3. Révision de la politique monétaire
La BCE pourrait être amenée à ajuster son propre cycle de taux en cas de ralentissement brutal aux États-Unis, ce qui aurait un impact sur les coûts d’emprunt en Europe, notamment dans l’immobilier résidentiel français déjà fragilisé.
4. Reflux de la confiance des ménages
Une nouvelle crise immobilière aux États-Unis pourrait éroder la confiance des ménages européens, déjà ébranlés par l’inflation et la hausse des taux, aggravant ainsi la morosité économique.
Le marché immobilier américain traverse une phase de fragilité structurelle, avec des signaux comparables à ceux de 2008. Malgré l’euphorie persistante des marchés financiers, une déconnexion croissante avec l’économie réelle alimente les craintes d’un retournement brutal.
Pour la France et l’Europe, cette situation est à surveiller de près. Dans un monde globalisé, un choc immobilier américain aurait inévitablement des répercussions systémiques, tant financières qu’économiques.