Alors que le débat sur l’avenir du système de retraite français reste au cœur des préoccupations économiques et sociales, un rapport récemment publié par la Cour des comptes remet en lumière l’urgence d’agir. Présenté ce jeudi 10 avril 2025 par Pierre Moscovici, premier président de l’institution, ce document aborde en profondeur les défis structurels du régime de retraite français, notamment en termes de financement, de compétitivité et d’équité intergénérationnelle.
Sans formuler de propositions formelles – son rôle étant d’informer, non de prescrire –, la Cour oriente clairement le débat : les retraités pourraient être davantage sollicités pour rétablir l’équilibre financier du régime.
Une indexation des pensions remise en question
Depuis 1987, les pensions de retraite sont indexées sur l’inflation, un mécanisme destiné à préserver le pouvoir d’achat des retraités. Or, dans son dernier rapport, la Cour juge cette règle insuffisamment adaptée aux enjeux actuels, en particulier ceux liés à la soutenabilité du système.
Pierre Moscovici a ainsi estimé que « cette indexation sur l’inflation n’apparaît pas nécessairement la mieux adaptée à la recherche d’un équilibre durable et équitable du système de retraites ».
La Cour plaide plutôt pour une indexation partielle ou complète sur les salaires, comme c’est le cas dans d’autres pays européens. Elle propose également d’introduire un « facteur de soutenabilité », c’est-à-dire une variable liée à l’évolution du ratio retraités/cotisants, pour ajuster les pensions en fonction de la démographie active.
Des chiffres révélateurs : retraites et dépenses publiques
Le rapport met également en lumière l’écart significatif entre la France et ses voisins européens en matière de dépenses de retraite. En 2022, la France y consacrait 13,5 % de son PIB, contre 11 % en moyenne dans la zone euro.
Cette différence représente 66 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour la France, un écart qui grimpe à 118 milliards si l’on compare spécifiquement avec l’Allemagne.
Cette situation s’explique notamment par deux facteurs :
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Un niveau moyen des pensions plus élevé en France.
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Un âge moyen de départ à la retraite plus précoce.
Autre chiffre marquant : en France, le niveau de vie moyen des retraités atteint 99,8 % de celui des actifs, contre 87,8 % en Allemagne. Une égalité qui, si elle traduit une certaine réussite sociale, devient problématique en termes de soutenabilité financière dans un contexte de transition démographique.
Des revalorisations passées sous tension
Les dernières années ont été marquées par des revalorisations substantielles des pensions pour suivre l’inflation :
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+5,3 % en janvier 2024
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+2,2 % en janvier 2025
À titre de comparaison, les salaires ont progressé de seulement +4,1 % en 2023 et +2,6 % en 2024. Cette décorrélation croissante entre pensions et revenus d’activité alimente l’idée d’un ajustement nécessaire.
L’objectif serait donc de lier davantage les retraites à la performance économique du pays, notamment via l’évolution des salaires plutôt que des prix à la consommation. Une telle réforme permettrait, selon la Cour, de mieux répartir les efforts entre générations.
Une réforme en suspens, mais un message clair
La Cour des comptes se garde bien d’imposer une trajectoire aux partenaires sociaux, à qui revient la responsabilité d’améliorer la réforme de 2023. Toutefois, la teneur du rapport ne laisse guère de doute quant à la direction suggérée.
Le message sous-jacent est clair : pour assurer l’équilibre futur du système, il faudra probablement freiner la hausse des pensions, voire envisager une contribution accrue des retraités, dans un cadre solidaire. Cela pourrait passer par :
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Une indexation sur les salaires plutôt que sur l’inflation.
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Une prise en compte démographique, via un ratio cotisants/retraités.
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Une révision de l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions, déjà menacé.
L’enjeu de la soutenabilité à long terme
Face au vieillissement de la population et à un ratio cotisants/retraités en déclin, la France est confrontée à des choix budgétaires cruciaux. La solution envisagée par la Cour des comptes ne vise pas à pénaliser les retraités, mais à instaurer un partage plus équilibré des efforts économiques entre générations.
Alors que le débat sur l’emploi des seniors, le recul de l’âge de départ et l’élargissement de l’assiette des cotisations reste ouvert, ce nouveau rapport vient repositionner l’indexation des pensions comme un levier central de réforme, à même de garantir un système plus soutenable à l’horizon 2030.